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Jeunesse et vie urbaine

Séminaire mensuel de l’IMAF-Aix, « Anthropologie et histoire : dialogues et confrontations ».
Voir le programme général du séminaire.

vendredi 15 janvier 2021, de 14h à 16h, salle Germaine Tillion
Diffusion également en ligne.

Muriel Champy (AMU, IMAF)
« Faire l’expérience de “la brousse” dans l’anonymat urbain : les mobilités juvéniles masculines à Ouagadougou »

S’il faut jouer le jeu des étiquettes, les enfants et les jeunes qui vivent et dorment dans les rues de la capitale du Burkina Faso préfèrent se décrire comme des bakoroman, conformément à l’argot local. Ils se décrivent comme de jeunes aventuriers « à la recherche de l’argent ». À travers le vol, la mendicité et les petits boulots, ils sont insérés dans différentes niches de l’économie urbaine qui assurent leur survie quotidienne, leur accès à diverses activités de loisirs et la possibilité occasionnelle d’envoyer de l’argent à leurs parents, quand l’envie les prend. Ils forment des réseaux mobiles de connaissances, ordonnés par la hiérarchie de l’aînesse et de l’antériorité, mais ne présentent ni organisation de groupe ou de gang, ni ne partagent une économie morale de la solidarité. Si l’argument de la camaraderie peut être stratégiquement brandi un jour de « galère », la rue est vécue comme un espace où l’on peut disposer de son argent à sa guise, car après tout, « ils sont venus en détail » donc c’est chacun pour soi (« chacun dans son chacun »). Leur expérience de mobilité s’inscrit en effet dans la continuité d’une certaine normalité juvénile des migrations d’aventure (keng weoogẽ, sortir en brousse en mooré). Mes deux années de travail ethnographique ont cependant montré que cette désaffiliation par la mobilité n’était acceptée que tant qu’elle restait temporaire, et qu’elle excluait largement la possibilité d’un vis-à-vis féminin.

Bibliographie
BARRY Aboubacar (1998), « Marginalité et errance juvéniles en milieu urbain : la place de l’aide psychologique dans les dispositifs de prise en charge des enfants de la rue », Psychopathologie africaine, 29 (2), p. 139-190.
CHAMPY Muriel (2015), « Des plantations ivoiriennes à la rue ouagalaise. Transmission silencieuse d’une tradition de mobilité », in Michèle Baussant, Irène Dos Santos et​ al. (éd.), Migrations humaines et mises en récit mémorielles. Approches croisées en anthropologie et préhistoire, Nanterre, Presses Universitaires de Paris Ouest, p. 275-294.
— (2016), Faire sa jeunesse dans les rues de Ouagadougou. Ethnographie du bakoro (Burkina Faso), thèse de doctorat, Université Paris-Nanterre, 476 p.
— (2018), « La ville en négatif. Ethnographie de l’espace public urbain par les marges », in F. Guérin, E. Hernandez & A. Montandon (éd.), Cohabiter les nuits urbaines. Des significations de l’ombre aux régulations de l’investissement ordinaire des nuits, Paris, L’Harmattan, p. 143-154.
GRUENAIS Marc-Éric (1985), « Aînés, aînées ; cadets, cadettes. Les relations aînés/cadets chez les Mossi du centre », in Marc Abeles et Chantal Collard (éd.), Âge, pouvoir et société en Afrique Noire, Paris, Karthala, p. 219-245.
HASHIM Iman & THORSEN Dorte (2011), Child migration in Africa, Londres, Zed Books, 150 p.
HOCHET Jean (1967) Inadaptation sociale et délinquance juvénile en Haute-Volta, Paris, CNRS, 204 p.
LANGE Albertine de (2007), « Child Labour Migration and Trafficking in Rural Burkina Faso », International Migration, 45 (2), p. 147-167.
RIESMAN Paul (1974) Société et liberté chez les Peul Djelgobé de Haute-Volta. Essai d’anthropologie introspective, Paris, Mouton, 261 p.