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Anthropologie comparative du sahel occidental musulman (Sénégal, Mauritanie, Mali…)

Séance du 3 décembre 2015, 11h à 13h
IMAF / Site Raspail, salle de réunion, 2e étage, 96 bd Raspail 75006 Paris

 Jean Schmitz, IRD/IMAF
Jihâd, Islam et esclavage dans l’espace Mauritano-sénégambien du XVIIIe siècle à aujourd’hui. Anthropologie et historiographie critiques d’un silence

Résumé :
Dans plusieurs régions d’Afrique de l’Ouest musulmane un « détail » a été relevé de façon indépendante par plusieurs observateurs : la prière du vendredi dirigée par un présumé « descendant d’esclave » n’a pas valeur religieuse. Or les espaces concernés sont justement ceux où se sont déroulés des jihâd. En émergèrent les imamats sénégambiens du XVIIIe siècle puis au XIXe siècle des formations plus amples : l’immense califat de Sokoto (actuel Nigeria) regroupant selon Paul Lovejoy (2002, 2012) des effectifs d’esclaves comparables à ceux de l’Amérique du Nord, l’« empire" d’al-Hajj Umar (actuel Mali…). On s’interrogera sur ce silence contrastant avec la mise en évidence de la chaîne des jihâd dans les années 1970/1980. La principale raison, le cloisonnement au sein des études africaines entre les historiens de l’islam africain et ceux de l’esclavage, est en train de se dissiper autour du débat : le jihâd comme émancipation des seuls musulmans (Robinson, Lovejoy) ou une des premières révolutions atlantiques libérant tous les esclaves (Ware 2014). Or des études récentes sur Sokoto (Sean Stillwell) montrent que les esclaves émancipés ne le furent que par la guerre. Le jihâd les transforma en une élite de mamlûk, slave soldiers, esclaves d’Etat qui possédaient eux-mêmes des esclaves ordinaires. L’émancipation de ces derniers s’opéra plus tardivement au sein des ordres soufis avant comme après l’abolition coloniale de l’esclavage des années 1900. Elle fut complète mais cachée dans les zones de colonisation musulmane sous la direction des shaykh soufis, mais tronquée dans les anciens imamats Ce sont maintenant les Salafistes qui font peut être entrer les femmes et les descendants d’esclaves dans la mosquée.

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