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Anthropologie comparative du Sahel occidental musulman

Séance du 1er mars 2017, 15h à 17h
IMAF / Site Raspail, salle de réunion, 2e étage, 96 bd Raspail 75006 Paris

 Ismael Moya, Laboratoire d’Ethnologie et de Sociologie Comparative, CNRS
Quelques éléments sur la sexualité à Dakar : provocations, objets et statuts sociaux

À Dakar, la sexualité ordinaire des couples mariés est décrite comme un combat de lutte sénégalaise. Elle implique d’importants préparatifs et de longs préliminaires. Les femmes ont pour tâche de susciter le désir de leur conjoint. Elles ont à leur disposition pour cela un large éventail d’accessoires, vendus le plus souvent par des personnes castées, et en particulier des femmes lawbe, au vu et au su de tous dans les marchés. Ces objets constituent un véritable arsenal féminin de la séduction : draps coquins agrémentés d’images pornographiques, encens provocateurs, perles de hanche aux tintements excitants et aux inscriptions salaces, sous-vêtements érotiques en tout genre… Les maris doivent être capable de répondre sans défaillir aux provocations de leur(s) épouse(s) et font parfois appel à une pharmacopée bien fournie : « coup démarreur » du Niger, sirop « Bazooka » du Nigeria, « Ajanta’s Stamina » indien, viagra officiel ou contrefait, etc. La jouissance des femmes, qui maitrisent ce processus, n’est pas négligée, mais reste secondaire par rapport au plaisir du mari, qui se traduit par un cadeau offert à l’épouse : tissus, parfum ou argent.Retour ligne automatique
La sexualité, tout comme l’art de la séduction et de la provocation, n’ont rien de transgressif. Si des valeurs sont liées au sexe, c’est plutôt celles de la pudeur (kersa) et de la discrétion (sutura), qui organisent aussi, notamment, la parole en public ou les relations entre époux (qu’il s’agisse de sexe ou d’économie domestique). Or c’est aussi en relation à la valeur de la pudeur que sont distinguées les « castes » wolof du reste de la société : griots, forgerons et lawbe (traditionnellement boisseliers). Les griots n’ont aucune pudeur quand il s’agit de parler en public, chanter les louanges d’une personne et demander de l’argent. Les femmes lawbe, quant à elles, n’ont aucune pudeur à parler de sexualité et sont considérées comme des expertes en la matière.

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