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Indexicalités langagières et sociales

Séance du 16 mai 2019, 11h à 13h
Villejuif, salle de conférence du CNRS-LLACAN (Bâtiment D, 7 rue Guy Môquet).

 Yves Erard, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne
S’accorder avec un enfant sur ce qu’il y a à voir quand on lui montre quelque chose à nommer
Résumé :
L’acquisition du langage chez l’enfant fournit un terrain ethnographique particulièrement propice à l’observation de la dissymétrie dans les rapports sociaux. La compréhension et l’incompréhension indexicale entre l’adulte et l’enfant ont été abordées dans ce domaine par les études de Tomasello sur l’attention conjointe qui font désormais référence en matière d’acquisition de la déixis. En s’inspirant des arguments qu’avance Wittgenstein sur la définition ostensive dans les Recherches philosophiques (2005), Tomasello (2003) montre comment l’intention partagée joue un rôle clé dans les scènes d’attention conjointe qui permettent à l’enfant d’apprendre la signification des mots au cours de son développement langagier. Il insiste particulièrement sur la théorie de l’esprit que l’enfant doit maîtriser pour comprendre l’intention de celui ou celle qui lui montre un objet qu’il nomme. Il décrit cette capacité spécifiquement humaine comme une projection qui nous fait considérer l’autre comme un même (like me). Dans son livre L’animal que je ne suis plus (2011), Bimbenet reprend les analyses de Tomasello tout en développant l’idée que l’intention partagée n’émerge pas avec l’apparition de l’autre comme un même, mais justement comme un autre. Que l’acquisition du langage ait la figure de l’autre comme condition d’émergence met d’emblée la problématique de l’indexicalité en lien avec celle des rapports sociaux. Elle a aussi pour conséquence de montrer l’importance de l’autre dans notre propre expression linguistique, ce qui ne devrait pas laisser indifférente l’anthropologie.En m’inspirant de Stanley Cavell (2012) j’aimerais développer l’idée qu’apprendre à parler est une initiation à une forme de vie. Ma méthode (Erard 2017) sera celle d’une anthropologie visuelle qui développe une attention particulière aux détails des interactions (ou jeux de langage). En effet, comme le souligne Das, « agreement in forms of life, in Wittgenstein, is never a matter of shared opinions. It thus requires an excess of description to capture the entanglements of customs, habits, rules, and examples. » ( Das 1998 : 176)Bimbenet, E. (2011). L’animal que je ne suis plus. Paris : Gallimard.Cavell, S. (2012). Les voix de la raison : Wittgenstein, le scepticisme, la moralité et la tragédie. Paris : Ed. du Seuil.Das, V. (1998). « Wittgenstein and Anthropology » in Annual Review of Anthropology, Vol 27, pp. 171-195.Théâtre, G. A. et. (2013). Des accords équivoques. Ce qui se joue dans la représentation. BSN Press.Erard, Y. (2017). Des jeux de langage chez l’enfant : Saussure, Wittgenstein, Cavell et la transmission du langage. Lausanne : BSN Press.Tomasello, M. (2003). Constructing a language : a usage-based theory of language acquisition. Cambridge, Mass. [etc.] : Harvard University Press.Tomasello, M. (2004). Aux origines de la cognition humaine. Paris : Retz.

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