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L’islam au Gabon. Socio-anthropologie politique d’une minorité confessionnelle

Soutenance de thèse de Doris Ehazouambela
Directeur de thèse : Jean-Pierre Dozon
Le 30 octobre 2015, 14h, IMAF, salle de réunion, 2è étage, 96 bd Raspail, 75006 Paris

Jury :
 Jean-Pierre Dozon, IRD / EHESS cumulant
 Gilles Holder, CNRS
 Abel Kouvouama, université de Pau
 Pierre-Joseph Laurent, UCL, Belgique
 Fabienne Samson, IRD
 Joseph Tonda, université Omar Bongo, Libreville

Résumé :
La présente étude porte sur l’islam au Gabon en milieu urbain. Cette étude entend montrer que l’islam, contemporain de la colonisation, en tant que phénomène essentiellement urbain, fait aujourd’hui partie de l’environnement social, religieux, économique et politique gabonais. Considérée comme une religion socialement minoritaire, et pratiquée de surcroît par une population surtout issue de l’immigration, l’islam occupe pourtant, eu égard aux conversions, la deuxième place parmi les religions du Livre au Gabon. Cette dynamique spécifique de l’islam au Gabon permet d’appréhender la réalité sociale non seulement sous l’aspect des modèles, des schèmes, qui la régissent en partie, mais aussi sous l’aspect des pratiques, notamment religieuses qui révèlent que la société gabonaise est constamment en voie de se faire. Ce qui donne à voir comment l’islam structure les situations historiques et l’organisation sociale, ainsi que les décalages existant entre les aspects «  officiels  » de la société et les pratiques sociales.
C’est donc une religion minoritaire qui a accompli son institutionnalisation en construisant sa singularité sur le plan local, aidée par des membres de la «  société politique  » convertis à la foi de Mahomet  : les Mamadou. Ces derniers considèrent l’islam comme un autre de leurs domaines de gestion, susceptible de renforcer les pouvoirs du bloc hégémonique. De ce fait, cette conversion à l’islam du président El Hadj Omar Bongo-Ondimba et de son entourage, et surtout sa longévité au pouvoir, ont institué un imaginaire au sein de la société gabonaise. C’est-à-dire comme lieu de la construction de son histoire sociale, de l’économique et du politique, avant et après l’indépendance du pays. Ainsi, l’islam au Gabon est pour la «  société politique  » un des éléments participant au pouvoir politique et économique, il est constitutif de la dialectique de l’accumulation des «  puissances  » du règne du président Omar Bongo-Ondimba.
En inscrivant les populations gabonaises dans des contingences nouvelles, notamment religieuses, la modernité africaine a tendance à substituer le lignage, le clan par la communauté nationale, l’Eglise ou la Mosquée. On se trouve alors face à une déparentélisation  qui a pour conséquence une accentuation des rapports sociaux et politiques. Ainsi, par le fait de la conversion des déparentélisés, les Mamadou et les Makaya, l’islam reconfigure et recompose les positionnements et les rapports sociaux et politiques au sein de la société gabonaise. Dès lors, l’islam au Gabon participe à ce dispositif de pouvoir dit «  Pouvoir fantôme  » qui opère à la fois sur la base de la visibilité et de l’invisibilité.

Mots-clés :
Islam, situation coloniale, situation postocoloniale, conversion, société politique, société civile, Mamadou, Makaya, hégémonie, déparentélisation, accumulation, marabouts, marchandises.

Thesis summary :
This study deals with Islam in urban areas in Gabon and aims at showing that Islam, as a primarily urban phenomenon, is now an integral part of the social, religious, economic and political environment of Gabon. Islam is considered a minority religion on a social level, and is practiced by a population consisting primarily of immigrants. However, due to conversions Islam currently occupies the second place among the religions of the Book in Gabon. The unique dynamics of islam in Gabon allow us to understand Gabonese social reality not only through the study of models and patterns, which preside over it in part, but also through the lens of religious practices, which demonstrate that that society is constantly in the process of renewing itself. In this way, we can examine how Islam structures historical situations and social organizations, as well as the existing gaps between "official" aspects of society and its social practices. Islam in Gabon is a minority religion that accomplished its social development and constructed its uniqueness on the local level, assisted by members of "political society" themselves converted to the faith of Mohammed, the Mamadous. These individuals consider Islam as one of their managing domains capable of reinforcing the power of the hegemonic block. In this way, the conversion to islam of President El Hadj Omar Bongo Ondimba and his entourage, combined with his political longevity, has established an imaginary in the Gabonese society, that is to say, a place for the construction of its social, economic and political history, both before and after the independence of the country. Thus, for the "political society", Islam in Gabon is one of the central elements of political and economic power, and it is constitutive of the dialectic of accumulation of "powers" of the reign of President Omar Bongo Ondimba. By bringing Gabonese population into new contingencies – notably religious - African modernity has tended to substitute lineages : that of the clan by that of the national community, that of the Church by that of the Mosque. This is "deparentelisation" which means an emphasis on social and political relations. Thus, through the conversion of deparentelized persons, the Mamadou and the Makaya, islam reconfigures and reconstructs the positions of the social and political relations in Gabonese society. Therefore, Islam in Gabon is part of the power structure called "phantom power" that operates on the basis of both visibility and invisibility.

Keywords :
Islam, colonial situation, postcolonial situation, conversion, civil society, political society, hegemony, Mamadou, Makaya, deparentelisation, accumulation, marabouts, goods.