Accueil > Actualités > Soutenances de thèses

Economie occulte et ordre statutaire. Sociologie imaginative de la production des fous mystiques au Gabon

Soutenance de thèse de Cordille-Verdia Babongui Mba
Directeurs de thèse (cotutelle) : Rémy Bazenguissa-Ganga (directeur d’études à l’EHESS) et Joseph Tonda (professeur à l’université Omar-Bongo de Libreville)
Le 29 novembre 2023, à 14h, salle 3.122, Bâtiment Recherche Sud, Campus Condorcet, Aubervilliers.


Jury :
 Rémy BAZENGUISSA-GANGA (directeur de la thèse)
 Roberto BENEDUCE, professeur Université de Turin (rapporteur)
 Georice Berthin MADEBE, directeur de recherche CAMES/HDR/IRSH (rapporteur)
 Parfait. D. AKANA, Université Yaoundé II
 Silvia FALCONIERI, chargée de recherches CNRS-IMAF
 Richard RECHTMAN, directeur d’Etudes EHESS-CESPRA
 Mesmin Noël SOUMAHO, professeur Université Omar-Bongo de Libreville
 Kadya Emmanuelle TALL, chargée de recherche HDR/IRD-IMAF


Résumé :

Cette thèse propose une sociologie imaginative de la production des fous mystiques, et plus précisément de leur esprit, au Gabon. Elle montre que cette production est liée aux tensions qu’exerce le néolibéralisme sur l’ordre statutaire qui organise les relations de la vie quotidienne à travers l’opposition entre les “Mamadou”, les puissants, et les “Makaya”, les dominés. La notion de production est ici prise dans tous les sens. D’abord par ce qui rend les fous visibles, le désengagement de l’État puis, la mise en place d’une économie occulte où des “Mamadou”, majoritairement, et des “Makaya” s’offrent les services des nganga ou féticheurs pour capturer ces esprits. Et, enfin de manière métaphorique, production dans le sens de ce que fabrique l’esprit du fou en termes de richesses, du fait de sa possession par d’autres alors que son corps, inutile, est exclu du monde du travail. Le constat qui découle de nos enquêtes de terrain, menées à partir d’entretiens directifs et d’ observations, laisse apparaître un lien de dépendance entre la réussite sociale et la folie. Ce rapport social suggère la possibilité de réussir sans travailler et qu’en l’occurrence les fous sont le produit de cet enrichissement déconnecté du travail. Deux modalités de la production des fous apparaissent à savoir “on se rend fou” et “on est rendu fou” qui, loin de correspondre seulement à un imaginaire de la maladie et de l’enrichissement occulte, sous-tendent aussi la critique des politiques publiques. En cherchant à comprendre les logiques sous-jacentes à la production des fous, nous avons pu établir que les économies occultes surviennent au Gabon dans un contexte de crises où les inégalités sociales émergentes sont traduites dans l’imaginaire religieux de la prédation mystique. Donc, ce rapport social met aux prises deux catégories statutaires socialement construites, les “Mamadou” et les “Makaya” qui évoluent dans un rapport de force, à la fois réel et imaginaire, dans lequel les trajectoires d’accumulation et de guérison mobilisent les mêmes idiomes du fétichisme. Ainsi, les fous, loin d’être de simples malades, seraient, selon le sens émique, des “fonctionnaires fantômes” ou, en d’autres termes, ils seraient métonymiquement réduits à la richesse, ce qui confère à leur esprit une simple valeur d’usage dans un marché double et invisible où leur capture opère dans le cadre d’un ordre sacrificiel qui concerne tous les Gabonais.

Mots clés : Folie, Enrichissement, Esprit, Occulte, État.