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Histoire sociale de l’Afrique orientale, de la mer Rouge et de l’océan Indien, XIXe-XXe siècles

Séminaire organisé par Silvia Bruzzi, chercheure affiliée à l’IMAF-Malher (cet enseignant est référent pour cette UE) ; Henri Médard, professeur à l’Université Aix-Marseille / IMAF ; Violaine Tisseau, chargée de recherche au CNRS / IMAF et Elena Vezzadini, chargée de recherche au CNRS / IMAF

Année universitaire : 2016 / 2017
Périodicité : Le vendredi (horaires ci-dessous)
Localisation : Site Raspail, 96 bd Raspail 75006 Paris
Calendrier :
 4 novembre 2016, de 14 h à 17 h : salle de réunion, IMAF, 2e étage
 2 décembre, de 14 h à 17 h : salle de réunion, IMAF, 2e étage
 9 décembre, de 13 h à 16 h : salle des artistes, Rdc
 13 janvier 2017, de 14 h à 17 h : salle des artistes, Rdc, séance reportée au 20, salle des étudiants de l’IISMM, 1er étage
 3 février, de 14 h à 17 h : salle de réunion, IMAF, 2e étage
 10 mars, de 15 h à 18 h : salle des artistes, Rdc
 5 mai : journée d’études à Aix-en-Provence

Présentation :
Ce séminaire se focalise sur une partie de l’Afrique souvent négligée par les études africaines en France, et pourtant capitale pour comprendre les dynamiques du continent entier. Il vise à devenir un point de rencontre pour les étudiants et les chercheurs qui travaillent sur l’histoire sociale d’une Afrique s’étendant du Caire au Cap, une Afrique qui se noue au-delà des frontières nationales, à travers les circulations et les échanges multiformes des individus et des groupes dans un espace connecté avec la Méditerranéenne et l’Asie à travers la Mer Rouge et l’Océan Indien et au-delà avec les mondes atlantiques européens et américains.

L’Afrique de l’Est des XIXe-XXe siècles est un espace impérial extrêmement dense (entre empires ottoman, omanais, britannique, français, allemand, italien, et portugais), dont l’histoire est marquée par des tensions de nature économique et géopolitique mais aussi raciale et religieuse... Sans négliger le poids des questions politiques nationales et internationales et des systèmes impériaux, l’approche de ce séminaire reste avant tout sociale. Un large espace sera dédié aux questionnements méthodologiques dans l’écriture d’une histoire sociale s’appuyant sur des sources hétéroclites.

Pour l’année 2016-2017, nous avons choisi de placer le séminaire sous le thème de la comparaison. D’abord, en abordant la comparaison entre des sociétés, des espaces, et des temporalités différentes, comme le souhaitait déjà Marc Bloch en 1928. Cette démarche fructueuse permet d’opérer un décentrement du regard, de produire des questionnements inédits, de repérer des silences ou des absences autrement invisibles, mais donne aussi la possibilité de s’armer des méthodologies, des outils et des approches qui viennent d’ailleurs. Ensuite, la deuxième forme de comparaison que nous intégrerons dans ce séminaire est interdisciplinaire. Nous interrogerons la manière dont d’autres disciplines, et particulièrement la philosophie, l’anthropologie et la sociologie, ont travaillé aux mêmes questionnements que nous nous posons en tant que praticiens de l’histoire sociale de l’Afrique orientale. Dans cette perspective, chaque séance sera, autant que possible, organisée autour de deux interventions qui traiteront du même thème soit pour des espaces, des sociétés ou des temps distincts, soit par des disciplines différentes.

Adresse(s) électronique(s) de contact : elenavezz(at)gmail.com, silviabruzzi(at)yahoo.it, hv.medard(at)wanadoo.fr, violaine.tisseau(at)gmail.com

PROGRAMME

 4 novembre 2016 :
Usages et lectures des archives missionnaires : archéologie des savoirs sur la sorcellerie et histoire de la patrimonialisation

Amélie Chekroun, IMAF
Les archives missionnaires pour écrire l’histoire des institutions patrimoniales éthiopiennes dans les années 1920-1930

Au début des années 1920, la France a tenté d’étendre en Éthiopie sa politique archéologique menée au Maghreb et en Égypte. Le père Azaïs, ancien missionnaire capucin français en Éthiopie, est envoyé auprès du régent du pays, le râs Tafari, afin de le convaincre de créer un Institut français d’archéologie à Addis Abeba. Les autorités éthiopiennes perçoivent très vite l’intérêt de ces recherches pour la construction d’un patrimoine national, dans une nation en construction, et se réapproprient le projet français. De 1927 à 1936, elles engagent Azaïs pour qu’il crée un musée national et un institut éthiopien d’archéologie. Azaïs est également invité à poursuivre ses recherches archéologiques dans l’Ouest, le Sud et l’Est du pays, régions récemment intégrées à l’Éthiopie, afin - officieusement - de légitimer leur annexion par le pouvoir chrétien. En étudiant le parcours singulier d’Azaïs et de ses relations avec le pouvoir éthiopien, cette présentation souhaite mettre en lumière un pan méconnu de l’histoire de l’archéologie française à l’étranger, ainsi que certains aspects d’une politique éthiopienne souveraine et patrimoniale qui s’exprime notamment à travers une mise en valeur sélective des sites archéologiques découverts. Cette recherche s’appuie sur l’étude des nombreuses archives missionnaires d’Azaïs ainsi que des archives du ministère de l’Instruction publique et du ministère des affaires étrangères français.

Andrea Ceriana Mayneri, IMAF
Anthropologie et histoire au prisme de la sorcellerie : les archives centrafricaines

Au XXe siècle, et aujourd’hui avec une vigueur nouvelle, « la sorcellerie » a été progressivement constituée en thème privilégié (et exemplaire) des discussions et des échanges entre les anthropologues et les historiens, dans le champ des études africanistes notamment. Ceci ouvre sur deux questions distinctes, que cette communication tentera de développer simultanément. On peut d’abord interroger les différences et les contacts des approches historiques et anthropologiques de la sorcellerie, en revenant sur les grandes étapes des échanges nourris dans les études africanistes. D’autre part, on peut interroger des aspects spécifiques qui font que la sorcellerie soit un objet de débat fécond et inépuisé, en même temps qu’un prisme privilégié pour observer certaines tendances de ce même débat. L’archive missionnaire centrafricaine peut apporter des précisions sur ces développements, au gré des intentions sur lesquelles repose sa constitution et transmission.

 2 décembre :
Carine Plancke, Performances dansées au « Nouveau Rwanda » : l’héritage culturel comme support d’une idéologie postgénocidaire

Thomas Riot, Le Guerrier-Mutant : danses, sports et techniques du politique au Rwanda (XIXe-XXIe siècles)

 9 décembre :
Nicole Khouri, Ismailis du Mozambique colonial : une catégorie invisibleRetour ligne automatique

Boris Adjemian, Quelle histoire pour une communauté disparue ?
Les Arméniens en Éthiopie et les usages du matériau biographique

 13 janvier 2017 : SEANCE REPORTÉE AU 20
Silvia Falconieri, CNRS-Centre d’Histoire Judiciaire, Université Lille 2
Les signes corporels de la citoyenneté. Le cas des personnes nées de parents inconnus dans les empires français et italien (Fin XIXe siècle-1946)

Antonio De Almeida Mendes, maître de conférences, UFR Histoire, Histoire de l’Art et Archéologie, Université de Nantes
Pretas et Pretos forros à Lisbonne : migrations de travailleurs africains, brésiliens et indiens vers l’Europe du sud aux 18e-19e siècles

 20 janvier, salle des étudiants de l’IISMM, 1er étage (voir prog. du 13 janv.)

 3 février :
Elara Bertho, THALIM-Paris 3-Sorbonne Nouvelle, (elara.bertho@gmail.com)
Mises en scène et usages des archives en littérature. Autour de la Chimurenga (Zimbabwe)

La confrontation de documents d’archives et d’œuvres littéraires permettra d’analyser les différents types de réutilisations de la production documentaire coloniale en littérature, et les modalités de leurs récritures. Nous montrerons comment la première Chimurenga (1894-1897), dans l’actuel Zimbabwe, devient un motif littéraire majeur au moment de la seconde Chimurenga (1966-1979) et reste une source d’inspiration importante après l’indépendance. L’articulation entre l’archive et la fiction (à travers un parcours des œuvres d’Yvonne Vera, Stanlake Samkange, Solomon Mutswairo, Chenjerai Hove) rend compte de processus mémoriels complexes, interrogeant les mécanismes d’écritures de l’histoire coloniale et des potentialités subversives du fait littéraire.

Dominique Ranaivoson , maître de conférences HDR, Université de Lorraine
(ranaivoson-hecht@wanado.fr)
L’archive aux mains des écrivains : l’exemple du malgache Raharimanana et l’insurrection de 1947

Si l’historien fonde son travail sur des archives, qui, en tant que sources, sont respectées voire sacralisées, il est aussi en demeure de les contextualiser avant de les agencer selon un schéma narratif qu’il construit. Ces mêmes archives, entre les mains d’écrivains, d’artistes, qui ont d’autres méthodes pour d’autres objectifs, deviennent une matière à partir de laquelle se développe une création qui n’obéit plus aux contraintes des historiens. Cependant, la mention, voire la représentation de ces archives, quand elles apportent une caution scientifique à des œuvres poétiques, modifient de manière ambivalente la réception des œuvres littéraires.
Raharimanana est malgache ; il vit en France où il a écrit une série d’œuvres sur l’insurrection de 1947 en explorant diverses formes littéraires, toutes hybrides : roman (Nour, 1947, 2001), témoignage assorti de photos d’archives (Madagascar, 1947, 2007), commentaires de portraits d’anciens combattants (Portraits d’insurgés, 2011), pièces de théâtre (Rano, rano, 2015). Chaque fois, il utilise des archives mais les reprend, les associe à d’autres récits, les intègre à une réflexion plus générale et personnelle puis revendique dans des entretiens tantôt faire œuvre d’historien parce que « rien n’existe », tantôt s’approprier de manière libre des références communes.
Nous nous proposons de présenter, en analysant ces méthodes, ces diverses publications afin de mettre en évidence ce qui relève de la stratégie, de la poétisation, de la falsification. Nous tenterons de comprendre les réceptions diverses (selon les pays et les milieux, les littéraires et les historiens) dont il bénéficie avant, en conclusion, d’ouvrir le débat sur les liens toujours complexes entre l’histoire et la littérature.

 10 mars
Elke Stockreiter, American University, Washington, DC, Dept. of History
Islamic Law, Gender, and Social Change in Post-Abolition Zanzibar

This paper draws on Islamic court records to offer new insights into Zanzibar’s social and legal history during the British colonial period (1890-1963). Based on these hitherto unexplored sources, it revises our understanding of gender roles in a Muslim marriage and within the household. It further challenges studies on slavery and female exclusion from the economic and legal sphere on the East African coast, as the court records demonstrate the ubiquity and social acceptability of female economic agency. They also shed new light on litigants’ use of Islamic courts as well as on Muslim and British colonial officers’ approaches toward Islamic law. Although British interference with Zanzibar’s judiciary dates back to the early nineteenth century, the paper argues that Muslim judges maintained their autonomy within the sphere of family law throughout the colonial era. Contrary to the opinions of scholars and the Zanzibaris themselves, Muslim judges were advancing women’s and ex-slaves’ rights long before the post-colonial period, thereby indicating that class was a more important determinant of women’s identities than gender. The sources further allow us to better understand an important shift in Muslim identity that occurred in the colonial period : whereas Zanzibari Muslims had seen themselves primarily through the lens of religion in the nineteenth century, by the early twentieth century, after the vast majority of freed slaves had adopted Islam, they began to view themselves through the lens of ethnicity. The increasing focus on ethnicity, together with underlying tensions between former slave owners and newly freed slaves, contributed to the outbreak of the revolution of 1964, which ousted the Omani Arab oligarchy.

Ismail Warscheid, IRHT-CNRS
Translating normative discourse into social facts : Islamic legal literature and the making of society in premodern Western Africa (Mauritania, Mali, southern Algeria)

For several decades now, Islamic legal literature has been serving as a source for the social and cultural history of pre-modern Muslim societies. At the same time, a range of scholars has also raised important methodological caveats by stressing the fact that legal sources are foremost normative texts. When discussing local issues in the language of the fiqh, the intention of Muslim jurists is not so much to preserve the cultural memory of their communities as to think of these issues as a normative problem that, at one moment, has come up either as a case (rafaʿat al-nāzila) or as a generic question (masʾala). In my presentation, I would like to take a step further by examining how normative propositions elaborated by Muslim jurists from the Western Sahara between the seventeenth and the nineteenth centuries affected social interaction between local pastoral groups. Texts to be discussed are, among others, the Nawāzil of al-Sharīf Ḥamāh Allāh from Tishit (d. 1755), the Ghunya compiled in the Algerian Tuwat oasis during the first half of the nineteenth century, and the Kitāb al-Bādiya written by the Mauritanian nomadic scholar Muḥammad al-Māmī (d. 1865-6).